22h30, heure du couvre-feu, heure où tous les pensionnaires doivent être dans leur lit, à lire ou à dormir. Pour Dom, il s’agissait du premier. Couchée dans son lit, une lampe de lecture accroché à son livre éclairant ainsi les pages d’une histoire ordinaire. Elle attendait, mais elle n’était pas pressée. Le gardien allait vérifier les chambres d’une seconde à l’autre, tout était une question de patience. Elle entendit le bruit de pas, et la porte s’entrouvrit. Un homme à grosse carrure regarda dans chaque lit. Il n’y manquait personne, pour le moment… À peine la porte fut refermée, que Domino sortit de son lit. Encore habillée, elle portait une paire de short chocolat avec un ample chandail lilas. Elle avait défait sa petite couette laissant l’élastique sur sa table de chevet, pour ne pas éveiller les soupçons. Avec du linge, elle format dans son lit une silhouette. Elle remit la douillette en place et sorti à pas de loup.

23h15, après une durée de 45 minutes, la rebelle réussit à monter sur le toit de l’école. Elle sortit ses jeux de cartes de ses poches. Assise en indien, elle les plaça et soupira. *M’ouin, faudrait que je pense à socialiser, on’peut pas jouer à grand-chose lorsqu’on est seule* Domino plaça ses cartes de façon à pouvoir jouer au solitaire. Elle n’avait pas besoin de lumière, le ciel était dégagé et la lune éclairait le béton sur lequel était assise Dom. L’air était frais mais pas trop, mais on pouvait voir les frissons sur ses jambes nues.

En un rien de temps, Dom finissait sa partie. Elle soupira encore. Il est vrai que c’est agréable d’enfreindre les lois, mais ce l’est encore plus si on est avec des amis. Toujours aussi découragée, la jeune rebelle se coucha et regarda le ciel étoilé. *Il est vraiment magnifique ce soir.*

Toujours dans ses pensées, Dom se demandait quel coup pendable elle pourrait exécuter. Juste pour montrer qu’une personne a enfreint les règlements. Juste pour s’amuser. Du toit on pouvait voir tout le campus, les trois bâtiments, la cour et on avait une vue magnifique de la plage. La surface de l’eau étincelait à la lumière de la nuit. Tout était silencieux, un minuscule bruit se faisait entendre : la respiration de Domino. Le reste était calme, trop calme. Il n’y avait ni hibou, ni criquet. Même le vent s’était tu cette nuit-là. Dom était bien, malgré le fait qu’elle s’ennuyait. Elle repensait à ses parents, à son p’tit frère. Elle ressortie sa photo. Tout ce qu’elle voyait c’était un petit être de 3 ans, la figure pleine de confiture et le beurre de cacahouète. Sa famille… Sa mère avait encore essayé de l’appeler, mais Dom ne voulait rien savoir. À peine voyait-elle le numéro de chez-elle, direct la boîte vocale. Domino est légèrement rancunière. Elle n’acceptait pas que sa mère l’envoie ici, loin de ses amis, des ses tournois. *Je n’ai AUCUN problème, alors pourquoi m’envoyer ici ?!* Elle remit la photo dans sa poche, ayant trop peur de la déchirer.

Le vent se mit à souffler, légèrement, tout doucement. La brise faisait virevolter les cheveux de Dom. Elle avait froid, elle s’en allait rentrer lorsqu’elle entendit un bruit. Elle se leva sur le champ et essaya tant bien que mal à distinguer la source de ce bruit.

Le vent souffla une nouvelle fois. Dans le silence de la nuit, on entendait les branches d’arbre subirent les assauts de la température. La nuit continuait, se prolongeait. Une nuit idéale pour rencontrer des gens spéciaux, un peu comme les deux jeunes gens sur le toit de leur dortoir. D’ailleurs face à la remarque de Domino, Kai fit allusion à une fête dans laquelle ni l’un ni l’autre n’était invité. Cette idée était en soi absurde, comme si le personnel était assez « zouf » pour laisser des jeunes, soi-disant problématiques, sans surveillance. Il rajouta que le nombre de surveillant était très bas pour le nombre de résident. Cependant, le garçon en bleu n’avait pas pensé qu’une partie des résidents étaient des orphelins et non pas des rebus de la société. Domino, toujours aussi pointu sur les détails ne s’empêcha pas de lui dire :

« Tu as oublié une chose, Sherlock, il n’y pas que des jeunes fous ici, les orphelins et autres sans familles sont logés ici. C’est supposément pour améliorer notre rétablissement. Pfff… Des foutaises tout ça ! Mais ça l’explique le nombre de surveillants, crois-moi, c’est mieux ainsi.»

Kai commença à expliquer sa raison d’être ici, et le « destin » lui avait fait monter les escaliers, cependant tout comme la jeune demoiselle, il s’avait permis d’explorer les corridors déserts et avait même laissé sa trace. Pas de doute, Dom se lèvera à la première heure de l’aurore pour voir ça avant que ça ne soit disparu. Un sourire apparut sur ses lèvres, en plus d’être beau, ce jeune avait du caractère, elle l’aimait déjà. Puis, il fit la remarque de ne pas s’attendre « à faire une si jolie et charmante rencontre ». Après avoir prononcé ces mots, il fit une courbette, comme on en voit dans les films. De nos jours, ceci est loin d’être commun, et Domino, loin d’être habituée à tant de compliment, rougit jusqu’aux oreilles. *Aye aye aye. J’en voudrais bien dix comme ça moi x)*

À peine avait-il fini de parler qu’il démarra un monologue sur la société et le moule dans lequel nous devons s’adapter. *Il n’a pas tort, mais va-t-il ce la fermer un jour ?* Il parla du bien et du mal et de toute les niaiseries que nous apprennent les adultes. Il dit vouloir changer ça, sortir d’ici, retrouver sa sœur. *Quoi ! Une sœur, intéressant…* Il finit enfin par lui demander de l’aider, dans sa quête du monde parfait. *Quelle utopie!* Cependant, l’idée de se ralier à une gang, à une troupe, à un groupe tout simplement, attira énormément Domino. Surtout ! Oui, surtout, si elle y gagnait des amis et… des complots. Elle s’arma de courage pour répondre, le visage de glace :

« Oui, j’aimerai bien changer les choses moi aussi, et tu sembles sensé. Cependant, nous ne pouvons pas être que deux, il nous faut se rassembler, et trouver d’autres délinquants, comme le dirait si bien ma mère. Si tu veux, on peut commencer avec nos colocs respectifs, je n’ai pas encore vu les miens; l’un des lits était vide à mon arriver et l’autre un garçon semblait y être endormi, le drap par-dessus tête. Tout ce que je sais c’est que le deuxième aussi doit être un gars, puisque j’ai trouvé un morceau de linge sous mon lit, j’imagine qu’un ouragan avait frappé mon dortoir avant que je m’y installe. »

Au court de son discourt, la jeune rebelle s’était animée, et vers la fin, elle parlait avec chaleur. Domino ne put retenir un petit rire, en revoyant le dit vêtement : une paire de boxer moulant. Elle ria de plus belle en s’imaginant la tête du propriétaire lorsqu’elle lui rendrait. Puis, elle se tut attendant une quelconque parole de la silhouette lui faisant face.

Amitié. Un seul mot, mais pourtant si puissant. Un lien qui nait d’un fou rire, d’un sourire ou simplement de quelques paroles. Ce soir, sous les étoiles, entre une jeune fille rieuse, et le garçon tout de bleu vêtu un lien de ce genre s’avait créé. La jeune fille, d’origine roumaine, était rouge, mais pas de honte, ni même de gêne. Elle se retenait de rire. Cramper? Morte de rire ? Ces mots ne sont pas assez forts pour décrire l’euphorie que produisit la question du jeune homme. Une question pourtant banal dans un campus, mais Domino avait déjà compris et la couleur, toujours dans les teintes de bleu, du caleçon lui avait mis la puce à l’oreille.

La suite des paroles ne vinrent que confirmer les doutes déjà établis dans son esprit. Avec toute la force du monde, elle ravala, avec la plus grande difficulté, l’hilarité qui l’envahit. Après un soupir forcé, elle répondit, presque trop lentement :

« Humph … Oui … Je suis dans la ch.chambre A-1. Et, euh, oui, bien sûr que je vais te donner ton bo … boxer. Ne t’inquiète.. pas. Je connais encore personne ici, donc cet iincident, n’aura, jamais, eu lieux. »

Angoissée, non pas de ses paroles, mais bien du malaise qui risquait de naître dans ce drôle d’aveu, Dom rajouta, avec un peu plus de conviction :

« ‘fin bref. Peux-tu m’expliquer comment ton boxer s’est rendu en dessous de mon lit ? Mais sinon, j’suis contente que je sois avec toi dans le dortoir, tu m’es sympathique. »

Elle afficha un joli sourire à Kai. Sincère et chaleureux. Vraiment c’était une belle rencontre qu’elle avait fait ce soir. Toujours était-il, que Dom était impatiente d’entendre les explications de l’homme en bleu.