Unleashed ♬

<< Déclinantes, toutes les couleurs palissent
Définissant, le temps venant pour moi >>

Un vent frais et hivernal s'engouffra dans la chevelure libre de Haine, qui regardait mélancoliquement le mur de sa chambre d'un air absent. Blanc. Vide. Comme sa vie actuelle. "Manger, travailler, dodoter" est son train de vie depuis le départ d'Andreï. Autant dire, une vie lassante.

<< Mes pensées étaient sans nuages et sages
Il y avait pas de coloration noir au mur de mes souvenirs >>

Assise en tailleur au milieu de son lit, elle portait un yukata de couleur beige, avec quelques motifs floraux immaculés qui contrastaient tout à fait avec sa chevelure aile de corbeau. Haine poussa un soupir, lançant un regard hasardeux sur le lit voisin. Elle se souvenait de son ami qui s'y vautrait régulièrement quand il venait lui rendre visite dans sa chambre, lui proposant plus que régulièrement de l'y rejoindre pour des jeux plutôt... intimes. Son côté pervers en faisait fuir plus d'une, mais jamais la jeune fille n'avait pris au sérieux les délires d'Andreï. C'était pour ça qu'ils s'entendaient bien, ils ne réagissaient pas l'un avec l'autre comme avec le reste des gens de Naishou. Voire même le reste du monde. Pourquoi pas ?

D'ailleurs, il y avait un endroit où les deux jeunes aimaient bien se retrouver un peu dans la nature, se reposer, sans pour autant devoir se retrouver en pleine campagne australienne. Enfin, "campagne"... On se comprend. Et à défaut de rester là à ne rien faire, Haine préférait autant marcher un peu et prendre sa dose minimale de vitamine D par mois. Ça n'était que bénéfique à sa santé dans le fond.

Enfilant un haori couleur terre, sans motif cette fois, attaché à la ceinture par une corde tissée brune, Haine affaira rapidement ses cheveux en une queue de cheval basse avant de s'en aller.

<< Donne moi le pouvoir de m'échapper
Je ne peux pas tenir le coup plus longtemps
Mon temps est venu pour finir tout cela >>

Il ne faisait pas trop mauvais pour la saison, pour ne pas dire qu'il faisait bon. Fronçant les sourcils sous les rayons vifs du soleil, Haine s'avançait vers les écuries. Peu de gens sur la route, parfois un ou deux cavaliers ou voitures. Sans plus. Mais ça n'était pas trop loin du campus, elle n'avait pas à marcher bien longtemps. Elle retrouva rapidement comment monter dans le grenier où l'on rangeait les blocs de foin. C'était ombragé, reposant, un endroit qu'elle et Andreï avait beaucoup fréquenté autrefois, quand il était encore ici. Dès qu'elle fut certaine que ni chevaux en liberté ni palefrenier gênant ne se baladaient dans le coin, la jeune fille au yukata se glissa dans le grenier.

Et... surprise !

Une petite blonde avait découvert son lieu de repos. Et s'y était apparemment endormie, à en juger par ses yeux clos et sa respiration lente et régulière qui soulevait doucement son dos. Adorable.

<< Où suis-je censé être ?
Je sens que je suis perdu dans un rêve
Désirant encore être seulement moi-même >>

Dès qu'elle l'avait vue, Haine s'était figée telle une statue. Elle ne clignait même pas des yeux, méfiante, soucieuse de ne pas réveiller la demoiselle. Mais... que faire en fait ? Elle était venue ici se souvenir d'Andreï, son ami, et elle y trouvait une inconnue. Partagée entre l'envie de rester et celle de partir, l'envie de l'embêter et celle de la laisser tranquille, son visage exprimait presque ce qui pourrait être une grimace. Cependant, elle s'était déplacée pour se remémorer les moments passés avec le jeune bulgare, il était par conséquent hors de question qu'elle envisage de repartir aussi vite.

Ainsi donc, pour faire bonne figure dans son rôle de petite peste, Haine retira sa veste longue, la posa sur un bloc de foin proche de l'entrée, et s'approcha à pas de loups de la belle endormie. A ses pieds, elle la contempla un bref instant. Puis pivota sur elle-même. Et se laissa tomber sur la blonde. Le visage paisible, elle resta là, étendue. Que la demoiselle reste endormie encore longtemps était impensable.