Au début, c'était un jeu.
Ce garçon, William White, avait tenu tête à Haine durant sa rencontre avec un dealer. Il l'avait humiliée, alors qu'elle ignorait tout de celui qui lui avait vendu sa dose. Dans le milieu, les choses sont clairs, et les clients vite jugés. Avoir affaire à quelqu'un qui désapprouvait la drogue était un gros risque pour le revendeur. Par conséquent, si les pilules étaient de bonne qualité, la demoiselle en kimono avait beaucoup de chances de ne pas le croiser une deuxième fois. Ce qui serait fâcheux si elle voulait tenir dans ce campus de fous.
Au début, c'était un jeu.
Elle avait contraint l'insolent à gober le cachet d'ecstasy, grâce à un baiser. « French kiss ». Mais ils n'étaient pas en France, ni français, et il n'y avait aucune raison de faire durer ce moment. Haine s'en était retourné dans la dernière navette de la journée pour Niwa, et William l'avait suivie.Il acceptait alors toutes les conséquences qui allaient suivre son imprudence. Il ignorait certainement pourquoi Haine était solitaire, pourquoi elle inspirait la crainte mêlée au respect. Car la jeune fille est un requin. Froid, solitaire, impitoyable. Mais si le requin est dangereux, il est aussi sensible, et nul ne peut percevoir sa détresse.
« Et le requin a des larmes
Qui coulent de son visage
Mais le requin vit dans l'eau
Aussi les larmes ne se voient pas »
Au début, c'était un jeu.
Elle voulait lui faire payer son insolence, son imprudence, lui apprendre qu'il ne faut pas se frotter à plus fort que soit. Une fois la navette à son terminus - Niwa Naishou - Haine se leva, passa devant William sans lui laisser le temps de se redresser, puis lui prit le poignet et le tira doucement à sa suite, sans mot dire. Il leur fallait un endroit discret, un endroit où ils seraient tranquilles. Le cachet n'allait pas tarder à faire effet sur le jeune homme, et il était impératif pour elle de garder leur prise de drogue secrète. Il en fallait pas qu'ils se fassent attraper. Les élèves de Niwa savaient certainement que Haine prenait quelque chose, mais personne n'avait su la prendre sur le fait. Et si William avait droit à un bad trip ce soir, en plein campus, à la vue de tous, nul ne tarderait à remonter à la source. Elle. La responsable. Elle ne s'en fichait pas, elle voulait continuer à planer, à trouver quelque chose d'agréable dans cette existence.
Au début, c'était un jeu. Un jeu où l'adrénaline est de mise.
Rapidement, la jeune fille se dirigea vers la bibliothèque. C'était le premier endroit auquel elle avait pensé, car elle était fermée à cette heure. Haine déverrouilla la serrure et attira le garçon à sa suite, la main ferme. Il n'allait pas s'en aller maintenant tout de même, le jeu ne faisait que commencer. Poussant William dans les rangées de livres, pas encore dans l'obscurité mais déjà à l'allure imposante et inquiétante, Haine finit par le forcer à s'assoir, pas très loin de quelques tables et fauteuils.
« Maintenant, plus un mot. Et savoure les effets. »
Un sourire effrayant naquit sur son visage. Elle était sûre d'elle, William n'allait pas tarder à planer. C'était intéressant comme expérience, Haine n'avait encore jamais fait participer quelqu'un à ses moments de bonheur artificiel. Lorsqu'elle fut certaine qu'ils étaient à l'abri de tout regard, et que le garçon n'allait pas s'enfuir, elle finit par s'assoir par terre, face à lui, les yeux fermés.
Au début, c'était un jeu. Un jeu où l'adrénaline était de mise. Mais qui avait songé aux enjeux ?