Il ouvrit la porte.
La pièce, de taille moyenne, était occupée par trois lit. Chaque lit était accompagné d'un table de nuit. Trois commodes semblaient prêtes à accueillir la totalité des vêtements apportés par les locataires. Une porte à droite semblait amener à une autre pièce; surement la salle de bain.
Trois lits, trois tables de nuit, trois commodes.
Kai allait vivre avec deux autres personnes.
Comment l'administration avait-elle pu penser que lui, Kai Hansen, allait tolérer deux autres personnes dans sa chambre ! Il irait se plaindre. Mais pas maintenant. Épuisé par le voyage, il s'allongea sur le lit situé dans le coin de la chambre. Tant pis si quelqu'un se l'était approprié, désormais c'était le sien.

Il croisa ses mains sous sa nuque et étendit ses jambes. Il ferma les yeux. Son arrivée au campus lui revint en mémoire : La chaleur qu'il avait ressentie, si différente du froid auquel il était habitué. Aussitôt arrivé au campus, on l'avait aussi informé des règles. Le couvre-feu à 22h30, pas de drogues, pas d'alcool, toutes ces règles faites "pour leur bien". Kai ne comprenait pas et pourtant on avait été très claire: "ces règles s'appliquent à toi aussi, souviens-toi en !". Mais, ces moins que rien ne pouvaient le contraindre, lui, à se coucher comme les autres à 22h30, à ne pas consommer ce dont il avait envi ! Ils devraient se soumettre, et non pas essayer vainement de lui imposer leur volonté !

Non il ne comprenait pas. Il ne comprenait pas non plus comment le monde qui le vénérait presque, lui pardonnant tout, était devenu une nuée de gens qui disaient qu'il n'était pas au dessus des autres, qu'il devait se plier aux règles, qu'il était comme les autres... Ils sous entendaient qu'il était, lui aussi, un vermisseau. Comment le monde pouvait croire qu'il était comme les autres, qu'il pouvait lui imposer sa volonté ? Ils ne se rendaient pas compte qu'ils ne faisaient que le mettre en colère ? Ils devraient tous être devant lui, lui demandant pardon d'un tel affront !
De rage, il se leva brusquement et donna un grand coup de pied dans sa valise, l'envoyant valser à travers la pièce.
"COMMENT OSENT-ILS ? CE NE SONT QUE DES MOINS QUE RIEN, ILS DOIVENT M'OBÉIR !"
La valise s'ouvrit sous le choc, et son contenu se répandit sur le sol, libérant un flot de vêtements de tout genres et un cadre de photo qui glissa aux pieds du garçon aux cheveux bleu.
L'ouverture de la valise et l'apparition du cadre eu pour effet de stopper immédiatement la colère de Kai.
Il ramassa le cadre, et regarda la jeune fille de la photo.
"Anna..."
Il se souvint des derniers conseils de sa petite sœur:
"Je sais que tu penses que tu es au dessus des autres. Toutefois, ce n'est pas ce que pensent les gens. Je sais, ça t'étonnes, pour toi tout le monde devrait le savoir. Ce n'est pourtant pas le cas. Alors, au lieu de te comporter comme le maître du monde, essaye de communiquer avec eux, de devenir leurs amis ! Je sais ça te paraît bizarre, contre nature, mais tu devrais essayer. Car lorsqu'ils te connaîtront, ils sauront t'apprécier et te reconnaîtront enfin comme le meilleur. Il faut juste que tu communiques. Me promets-tu d'essayer ?"
Il avait promis.
Il devait donc prouver aux autres qu'il était le meilleur, en leur parlant, en devenant leur ami. Pathétique. Mais sûrement efficace. Finalement, l'erreur de l'administration de le mettre dans une chambre avec d'autres allait se révéler bénéfique.
Il entendit quelqu'un de l'autre côté de la porte. Sûrement un colocataire. Bien, il allait servir d'essais.
Kai entreprit de ramasser ses affaires éparpillées dans la pièce, pendant que l'autre ouvrait la porte.

"Tu dois être...mon colocataire"
C'était les premiers mots de sa futur victime. Kai se retourna, feignant la surprise.
Le garçon était petit et fin. Il avait l'air plus jeune que Kai, même s'il ne l'aurait pas juré. Il avait les cheveux très blond, couleur ivoire. Un coloration peut être. Ses yeux étaient violet, couleur peu habituelle. Il avait l'air un peu perdu. Un sourire innocent se dessina sur le visage de Kai :
"Bonjour ! Je m'appelle Kai Hansen. Et toi ? "
Devant la tête de son colocataire, Kai avait envi de mourir de rire: On aurais dit un enfant malade qui n'ose pas se lever de peur de réveiller les monstres sous son lit.Pour éviter d'éclater de rire - ce qui aurait gâché ses plans - Kai se mit à parler:
"J'ai pris le lit là-bas... Au fait, tu connais notre autre colocataire ?"
Tout en parlant, il ramassait ses affaires, et les posaient sur le lit. Un moyen comme un autre de montrer discrètement au blondinet qu'il n'avait pas grand chose à faire de lui. Après tout, ce n'était qu'un serviteur, un futur adorateur de plus.
"Ah mais j'y pense, tu viens peut-être d'arriver !"
La gentillesse même. Il en était presque malade: devoir se rabaisser autant, lui ! Mais c'était la clé de son règne prochain. Tout en continuant de ranger ses affaires, il traversait la pièce de long en large, s'asseyait un instant sur un lit, touchait d'un doigt le mur avec un regard un peu vague, pour bien montrer qu'ici, c'était avant tout chez lui.Et que le petit n'était que toléré.